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La Lettre du Réseau : Regards d’experts

Regards d’experts …. Pour décrypter les évolutions et réformes à venir autour de l’aide à domicile, les futurs services autonomie, les collaborations avec les EHPAD….

Propos de Julie Gauthier et Nicolas Guiollot échangés avec Sophie Montjotin

 

Quel est le modèle économique de l’aide à domicile aujourd’hui, pourquoi entend-on qu’il est à bout de souffle, quel cadre nouveau d’intervention est attendu et se dessine ?

Julie Gauthier (JG)

La spécificité du secteur de l’aide à domicile est qu’il est « multi-financeurs », les CD, les caisses de retraites, les mutuelles, les particuliers eux-mêmes…

Autre spécificité importante, c’est un financement de l’intervention d’accompagnement à l’heure, logique qui n’intègre pas le financement des heures dites improductives, qui sont en réalité du temps de coordination nécessaire à une qualité de service meilleure (ce qui existe partout), du temps de formation…

Troisième spécificité : la plupart des CD appliquent des tarifs horaires en dessous de notre coût de revient réel. Mais le PLFSS prévoit à partir de janvier 2022 un tarif plancher à 22 euros de l’heure, et demain une possible majoration de 3 euros selon des critères qualité auxquels Amicial peut prétendre.

 

C’est une avancée que cette fixation d’un plancher national à 22€ pour les heures d’APA et de PCH, et cette possible majoration qualité demain à 3 € ?

JG : Rares étaient les départements à financer à moins de 22 €, un tarif plancher à 25 € aurait été cohérent.

L’avenant 43 à la convention collective de la Branche de l’Aide à Domicile (BAD) modifiant la grille de rémunération, a pour volonté une revalorisation avec en moyenne une augmentation de salaire de 10 à 15 % des intervenantes, ce qui génère une augmentation de notre coût de revient.

Le coût de revient doit être autour de 27 euros depuis la mise en œuvre de l’avenant 43. Si on avait un plancher à 25 € + la compensation avenant 43, nous pourrions nous en sortir. Dans les Saad, 93 % des charges sont constituées par la masse salariale, c’est donc un levier important.

La Loi Borloo 2005 était le dernier changement profond du financement du secteur, aujourd’hui il se passe donc quelque chose de très important, mais le secteur reste en attente d’une future grande Loi Autonomie, et sent bien que ce tarif socle et la compensation avenant 43 sont des décisions court-termistes. Dans le PLFSS, une réforme importante est esquissée avec le souhait d’aller vers des futurs services autonomie.

 

Le PLFSS trace une donc évolution vers les services autonomie, comment voyez- vous cela ?

JG : Les services autonomies dessinent un peu la fin des SSIAD isolés, demain des services autonomie, les SA, assureront l’aide et le soin.  L’enjeu d’Amicial est d’intégrer cette donnée et de maximiser les rapprochements avec des SSIAD, CSI, infirmières libérales, demain pour proposer une aide avec du soin. Les SAAD qui n’y arriveront pas, à mon avis, pourraient sortir à long terme du cadre de l’autorisation et deviendraient des simples services à la personne (SAP).

Une autre chose m’interpelle, le développement des Care managers, ils correspondent à un vrai besoin, mais c’est une façon, à la place des pros du secteur, de réinventer une nouvelle forme d’assistance,  alors qu’il suffirait de dégager des moyens pour la coordination des services existants.

 

 Pour vous, la réforme esquissée avec cette idée de futurs service autonomie, tire les leçons de l’expérimentation des SPASAD ?

JG : L’expérimentation des SPASAD a été une avancée, mais la gouvernance une difficulté, avec des gestionnaires différents, SAAD et SSIAD des deux côtés. Il y a une vraie volonté de restructurer l’offre demain les services autonomie donneront lieu à une autorisation unique , peut-être qu’il faudra une même gouvernance, aujourd’hui il y a des constellations de petits SSIAD, peut-être qu’ils ne pourront plus exister.

 

Sur les liens service autonomie / EHPAD quel est votre regard ?

JG :  Lors des Assises du domicile, le secteur a défendu l’idée que même les services autonomie sans Ehpad peuvent être des services autonomie, le secteur n’a pas nécessairement besoin demain des Ehpad dans le cadre des services autonomie pour faire du soin, pour aller à domicile la nuit sur des situations complexes, On évoque souvent l’intervention à domicile des EHPAD la nuit, mais le secteur du domicile peut le faire.

Les SAAD comme Amicial interviennent déjà la nuit, demain pour une prise en charge plus forte sur ces situations, le secteur du domicile est capable de transformer son offre, c’est une question de moyens.

 

Qu’attendre de façon opérationnelle des collaborations domicile/ Ehpad ?

JG : Des synergies qui ne soient pas à sens unique, il faudrait davantage d’allers et retours, que les Ehpad puissent jouer le jeu de l’accueil temporaire, pour un besoin de répit par exemple, répondre à la question de l’isolement.  Nous pourrions amener du public pour bénéficier des espaces, des activités de l’Ehpad, mieux rationnalisé en collectif. J’ai déjà essayé d’y réfléchir, les Ehpad ont leurs contraintes, économiques, pratiques, chacun a ses propres contraintes et du mal à travailler ensemble.

 

NG : Il y aurait beaucoup de ponts à faire sur l’hébergement temporaire, et le répit, avec des SAAD et SSIAD, ce qu’évoque Julie est très vrai.  La gestion de l’hébergement temporaire est complexe, d’expérience, 10 places d’hébergement tempo peuvent être aussi lourdes en gestion que 90 d’hébergement permanent.

 

Nous aimerions créer des passerelles entre EHPAD et SAAD, il faut bien avoir conscience comme souligné par Julie que ce sont aujourd’hui 2 modes de financement économiques très différents, ce qui complique la construction.  C’est plus facile dans le cadre d’AMI avec des enveloppes qui peuvent permettre de créer des équipes mobiles, des collaborations sur mesure, avec des crédits dédiés. A voir ce que les évolutions réglementaires demain faciliteront… J’ai pu expérimenter dans une précédente expérience professionnelle dans une association un travail en réseau entre EHPAD, hébergement temporaire, accueil de jour et SSIAD.

Demain, il faudrait pouvoir sortir des cloisonnement des sections tarifaires, des autorisations, pour mieux collaborer avec les SAAD.

JG : Le secteur des SAAD s’estime le parent pauvre du médico-social, mal loti par rapport aux EHPAD, mais cela ne doit pas empêcher les projets SAAD/ EHPAD !.

NG on cache le terme Ehpad, également un métier très dévalorisé.  On peut avoir ce point commun d’être un modèle à réinventer, un peu à bout de souffle… Profitons des éventuelles enveloppes, des AMI qui permettent de faire bouger des lignes, essayer des collaborations sans que personne ne se sente lésé. Les expériences d’intervention de domicile renforcé par les EHPAD sont à suivre, je suis intéressé par échanger avec Julie et avec la Fondation pour partager sur ces sujets. C’est le sens du réseau OVE, de partager demain aussi sur d’autres formes de collaborations avec l’habitat inclusif.

JG : Amicial essaie aussi de mettre en place des partenariats avec des résidences autonomie, c’est parfois plus facile pour les PA à domicile de venir dans une résidence autonomie pour une animation, des liens, que de se confronter à l’EHPAD.

NG : Comment accueillir des personnes à domicile pour des animations, des activités, dans des tiers lieux au sein de l’EHPAD, c’est aussi la réflexion en cours à OVE Plénior.